Les études sur les comportements
alimentaires, notamment sur l’hyperphagie ne cessent de se multiplier et on
comprend bien pourquoi lorsque l’on sait que 35% des adultes dans le monde sont
atteints d’obésité (Chiffre OMS 2012) et qu’une étude de J.D Guelfi et M.
Koening (1982) estime à 20% le nombre d’obèses hyperphages. L’hyperphagie
correspond à une attitude de surconsommation alimentaire non motivée par la
faim au plan métabolique (Dumer, N., 2006). Une conséquence majeure de ce
symptôme est l’obésité.
Comme tous symptômes, pour le
traiter au mieux, il faut tout d’abord en trouver la cause, son origine. Dans
un premier temps, on observe que l’obésité se constitue précocement dans plus
de la moitié des cas au cours de la petite enfance, avant deux ans ; dans
les autres cas, elle apparait préférentiellement soit vers 6-7 ans, soit à la
période pré-pubertaire. De nombreuses études s’accordent sur une étiologie
multifactorielle de l’hyperphagie. Mais, tous s’accordent à dire que, au-delà
des caractéristiques héréditaires, les conduites alimentaires ont éminemment à
voir avec le fonctionnement psychique de l’individu, avec son histoire, ses
relations affectives présentes comme passées. Selon certaines élaborations
théoriques psychodynamiques, l’hyperphagie est à considérer aujourd’hui comme
résultant de problématiques narcissiques au même titre que les addictions.
« L’obésité en tant que défense narcissique permettrait de lutter contre
des angoisses archaïques (pré-génitales) massives. La bouche pleine pourrait venir
faire écran, par exemple, à l’expression d’un vide intérieur et de colère»
(Gueniche, K. et al., 2008).
Dans le cas de l’obésité chez
l’enfant, les auteurs distinguent deux situations associées à une expérience
alimentaire conflictuelle que le nourrisson partage avec sa mère ou son
substitut : (Gueniche, K. et al., 2008)
- - « Soit, la relation se tisse entre un bébé
dont le petit appétit génère de la frustration et exacerbe l’ambivalence d’une
mère anxieuse et en état d’insécurité quant à ses capacités maternelles. La
conséquence de cette situation est un gavage de l’enfant comme réponse à toute
manifestation affective et émotionnelle de l’enfant. Or, ceci viendrait
perturber l’enfant dans la reconnaissance de ses éprouvés internes et le conduit
à répondre, plus tard, à toute tension et état d’insatisfaction par une prise
alimentaire.
- - Soit, la voracité du nourrisson augmente
l’angoisse, l’ambivalence et l’inquiétude d’une mère inhibée qui y répond par
une modalité relationnelle marquée par la maitrise et le contrôle »
(Gueniche, K. et al., 2008).
De plus, l’anxiété maternelle, au
même titre que l’anxiété paternelle, souvent repérée chez les petits obèses,
peut empêcher l’enfant dans ses initiatives motrices et ses déplacements
(sentiment d’insécurité).
Au vue de toutes ces données
scientifiques concernant l’étiologie de l’hyperphagie, quels comportements
peut-on mettre en place pour prévenir l’apparition du symptôme
hyperphagique ?
Le premier comportement préventif
se fait dans la relation mère/enfant à travers notamment l’expérience
alimentaire. Winnicott (1969) insiste sur le rôle déterminant de la mère dans
le bon développement de l’enfant ; il écrit : « C’est la mère qui établit la santé mentale de l’enfant pendant
qu’elle se préoccupe des soins à donner à son nourrisson ». Il est important de ne pas répondre
systématiquement et de façon immédiate, à toutes réactions émotionnelles ou
affectives de votre bébé, par un gavage alimentaire. L’expérience de la
frustration est un élément important pour le bon développement d’un petit être
humain. Elle va permettre de développer des stratégies alternatives
(développement de l’imaginaire et de ses capacités d’illusion) pour atténuer
cet état de frustration. L’enfant en bonne santé mentale, aura ainsi les capacités
à halluciner l’expérience alimentaire (ou même simplement la présence de la
mère), lorsqu’il commence à avoir faim et ainsi dormir encore un peu jusqu’à ce
qu’elle déborde des capacités qu’à l’enfant de la nier (vrai besoin
alimentaire). Le petit homme prend le contrôle de son corps et de son
imaginaire. Il devient ainsi déjà actif dans ses comportements (alimentaire
notamment).
Dans un second temps, il s’agit
de développer un cadre sécurisant autour de l’enfant afin qu’il puisse
découvrir le monde et développer ses capacités motrices. N’oubliez pas que vos
angoisses, inquiétudes, ne passent pas inaperçues chez votre enfant. Si il sent
que vous vous inquiétez lorsqu’il vous dit qu’il va faire du vélo dehors, non
seulement il sent une situation dangereuse se profiler dont il ne sera pas
maître, mais en plus, par identification au désir maternel, il s’inhiberait
lui-même en pensant que c’est ce que vous attendez de lui. C’est ici que le
rôle du père est fondamental car par la rupture d’une relation fusionnelle
d’avec la mère qu’il va permettre, l’enfant va découvrir d’autres sources de
désirs, bien au-delà des désirs de la mère. Il va se forger ses propres désirs.
Bibliographie :
DUMET, N. J’engloutis, je vis, je
suis : De l’hyperphagie à la subjectivation. Cahiers de psychologie clinique. N°26, pp69-83, 2006.
GUENICHE, K. et al. A propos du
fonctionnement psychique de jeunes filles obèses depuis l’enfance. Psychologie clinique et projective.
N°14, pp155-187, 2008.
WINNICOTT, D.W. De la pédiatrie à
la psychanalyse. Edt Payot : Paris, 1969.
Dessin humoristique "Le Chat" de Philippe Geluck