mercredi 17 décembre 2014

L'hyperphagie : Qu'est ce que c'est et comment la prévenir !

Les études sur les comportements alimentaires, notamment sur l’hyperphagie ne cessent de se multiplier et on comprend bien pourquoi lorsque l’on sait que 35% des adultes dans le monde sont atteints d’obésité (Chiffre OMS 2012) et qu’une étude de J.D Guelfi et M. Koening (1982) estime à 20% le nombre d’obèses hyperphages. L’hyperphagie correspond à une attitude de surconsommation alimentaire non motivée par la faim au plan métabolique (Dumer, N., 2006). Une conséquence majeure de ce symptôme est l’obésité.

Comme tous symptômes, pour le traiter au mieux, il faut tout d’abord en trouver la cause, son origine. Dans un premier temps, on observe que l’obésité se constitue précocement dans plus de la moitié des cas au cours de la petite enfance, avant deux ans ; dans les autres cas, elle apparait préférentiellement soit vers 6-7 ans, soit à la période pré-pubertaire. De nombreuses études s’accordent sur une étiologie multifactorielle de l’hyperphagie. Mais, tous s’accordent à dire que, au-delà des caractéristiques héréditaires, les conduites alimentaires ont éminemment à voir avec le fonctionnement psychique de l’individu, avec son histoire, ses relations affectives présentes comme passées. Selon certaines élaborations théoriques psychodynamiques, l’hyperphagie est à considérer aujourd’hui comme résultant de problématiques narcissiques au même titre que les addictions. « L’obésité en tant que défense narcissique permettrait de lutter contre des angoisses archaïques (pré-génitales) massives. La bouche pleine pourrait venir faire écran, par exemple, à l’expression d’un vide intérieur et de colère» (Gueniche, K. et al., 2008).

Dans le cas de l’obésité chez l’enfant, les auteurs distinguent deux situations associées à une expérience alimentaire conflictuelle que le nourrisson partage avec sa mère ou son substitut : (Gueniche, K. et al., 2008)
-          -   « Soit, la relation se tisse entre un bébé dont le petit appétit génère de la frustration et exacerbe l’ambivalence d’une mère anxieuse et en état d’insécurité quant à ses capacités maternelles. La conséquence de cette situation est un gavage de l’enfant comme réponse à toute manifestation affective et émotionnelle de l’enfant. Or, ceci viendrait perturber l’enfant dans la reconnaissance de ses éprouvés internes et le conduit à répondre, plus tard, à toute tension et état d’insatisfaction par une prise alimentaire.
-          -  Soit, la voracité du nourrisson augmente l’angoisse, l’ambivalence et l’inquiétude d’une mère inhibée qui y répond par une modalité relationnelle marquée par la maitrise et le contrôle » (Gueniche, K. et al., 2008).

De plus, l’anxiété maternelle, au même titre que l’anxiété paternelle, souvent repérée chez les petits obèses, peut empêcher l’enfant dans ses initiatives motrices et ses déplacements (sentiment d’insécurité).

Au vue de toutes ces données scientifiques concernant l’étiologie de l’hyperphagie, quels comportements peut-on mettre en place pour prévenir l’apparition du symptôme hyperphagique ?

Le premier comportement préventif se fait dans la relation mère/enfant à travers notamment l’expérience alimentaire. Winnicott (1969) insiste sur le rôle déterminant de la mère dans le bon développement de l’enfant ; il écrit : « C’est la mère qui établit la santé mentale de l’enfant pendant qu’elle se préoccupe des soins à donner à son nourrisson ».  Il est important de ne pas répondre systématiquement et de façon immédiate, à toutes réactions émotionnelles ou affectives de votre bébé, par un gavage alimentaire. L’expérience de la frustration est un élément important pour le bon développement d’un petit être humain. Elle va permettre de développer des stratégies alternatives (développement de l’imaginaire et de ses capacités d’illusion) pour atténuer cet état de frustration. L’enfant en bonne santé mentale, aura ainsi les capacités à halluciner l’expérience alimentaire (ou même simplement la présence de la mère), lorsqu’il commence à avoir faim et ainsi dormir encore un peu jusqu’à ce qu’elle déborde des capacités qu’à l’enfant de la nier (vrai besoin alimentaire). Le petit homme prend le contrôle de son corps et de son imaginaire. Il devient ainsi déjà actif dans ses comportements (alimentaire notamment).

Dans un second temps, il s’agit de développer un cadre sécurisant autour de l’enfant afin qu’il puisse découvrir le monde et développer ses capacités motrices. N’oubliez pas que vos angoisses, inquiétudes, ne passent pas inaperçues chez votre enfant. Si il sent que vous vous inquiétez lorsqu’il vous dit qu’il va faire du vélo dehors, non seulement il sent une situation dangereuse se profiler dont il ne sera pas maître, mais en plus, par identification au désir maternel, il s’inhiberait lui-même en pensant que c’est ce que vous attendez de lui. C’est ici que le rôle du père est fondamental car par la rupture d’une relation fusionnelle d’avec la mère qu’il va permettre, l’enfant va découvrir d’autres sources de désirs, bien au-delà des désirs de la mère. Il va se forger ses propres désirs.

Bibliographie :
DUMET, N. J’engloutis, je vis, je suis : De l’hyperphagie à la subjectivation. Cahiers de psychologie clinique. N°26, pp69-83, 2006.
GUENICHE, K. et al. A propos du fonctionnement psychique de jeunes filles obèses depuis l’enfance. Psychologie clinique et projective. N°14, pp155-187, 2008.

WINNICOTT, D.W. De la pédiatrie à la psychanalyse. Edt Payot : Paris, 1969.


Dessin humoristique "Le Chat" de Philippe Geluck

lundi 6 octobre 2014

Dis moi papa, pourquoi je ne dors pas ?

Dis moi papa, pourquoi je ne dors pas ?

Alors que pendant longtemps, seules les mamans étaient montrées du doigt dans l’explication de causes psychosomatiques chez l’enfant, il semblerait que les papas aient eux aussi leur part de responsabilité. Une étude réalisée par Eric Hazotte en 2006 (Groupe de Recherche en Psychologie de la Santé – GREPSA à l’Université de Nancy 2) a ainsi mis en évidence le rôle du père dans la transmission intergénérationnelle : « le père est, directement ou par le biais de la mère, et à toutes les étapes du développement de l’enfant, toujours un élément essentiel du mécanisme de la transmission psychique inconsciente ». Ainsi, un père présentant un trouble anxieux ou dépressif est un père qui va silencieusement s’éloigner, qui va mettre de la distance à la fois dans la relation à l’enfant mais aussi dans la relation de couple. Il devient alors inhibé dans ses relations. Or, le père joue un rôle essentiel de pare-excitation, c’est-à-dire qu’il a un rôle essentiel de soutien et de sécurité à l’enfant et à la mère. Le père, par cette fonction rassurante, va permettre à l’enfant de se détacher de sa mère pour aller explorer le monde environnant et investir de nouveaux objets. Or, « la qualité du sommeil de l’enfant, étant précocement en lien avec ses expériences de la vie diurne, nous supposons que les pères anxieux ne favorisant pas l’exploration confiante du monde, peuvent influencer la survenue de troubles du sommeil chez leur enfant ».  De plus, « lorsque le soutien du père n’existe pas ou lorsqu’il est défaillant, les angoisses s’immiscent dans toutes les interactions de la triade et par conséquent dans celles de la dyade mère/enfants » (Eric Hazotte).

Quelle origine ? Ayant déjà exploré cette question de la paternité dans un article intitulé « La paternité, une montagne russe pour notre psychisme », je ferai ici un bref rappel. L’annonce de la grossesse nécessite déjà un premier travail psychique d’élaboration de la paternité. Celle-ci peut être plus ou moins douloureuse ou angoissante car elle fait resurgir des souvenirs de l’enfance et de ses liens avec ses propres parents. Elle amène aussi à réfléchir sur sa propre existence, et elle vient modifier sa place dans la chaine généalogique. L’arrivée de l’enfant dans le couple vient aussi bouleverser un quotidien. Il y a du changement.


Quelle solution ? « La qualité de la fonction de pare-excitation paternelle vis-à-vis de la dyade mère/enfant est sensible à la qualité des rapports conjugaux » (Eric Hazotte). En d’autres mots, il ne faut pas négliger la communication dans le couple. Il faut savoir partager, échanger sur ses émotions pour donner du sens à ses angoisses. Il faut les verbaliser pour pouvoir les élaborer. De plus, l’anxiété manifeste que présente un père n’est qu’un symptôme d’un trouble enkysté dans le psychisme humain. Il s’agira donc de venir interroger ce trouble afin de pouvoir l’élaborer pour avancer sereinement.



Source : Hazotte, E. Transmission de l'angoisse des pères et défaillance de leur fonction de pare-excitation dans un contexte de troubles chez des enfants en période de latence. Bulletin de psychologie. N°483, pp 311-322, 2006.

vendredi 26 septembre 2014

Yes you can !

« Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier » William Shakespeare

Le terme de « volonté » signifie bien des choses. Le Larousse définit la volonté comme « la faculté de déterminer librement ses actes en fonction de motifs rationnels ; pouvoir faire ou ne pas faire quelque chose ». Dans sa définition, le Larousse va plus loin en considérant la volonté comme « une disposition de caractère qui porte à prendre des décisions avec fermeté et à les conduire à leur terme sans faiblesse, en surmontant tous les obstacles ». La volonté est-elle alors ce que le Larousse nomme « une disposition de caractère » ? Si l’on s’en tient à cela, cela voudrait signifier que la volonté n’est pas le propre de chacun. Or, les études scientifiques nous permettent d’affirmer qu’à la naissance nous sommes tous égaux. Nous naissons tous, comme le précisait Freud, avec un noyau pervers, un noyau de folie, etc. Nous naissons tous également avec un noyau de volonté. La volonté c’est ce qui va nous permettre de se détacher de la relation de dépendance que nous entretenons avec notre mère pour pouvoir ensuite investir de nouveaux objets et se différencier. Nous acquerrons une identité qui nous est propre par cette capacité de volonté. Alfredo Guerrero Tapia (2008) considérait la volonté d’être comme « la capacité du sujet à prendre conscience de lui-même et de sa place dans le monde ». La volonté va ainsi amener, tout d’abord l’enfant, à produire des actions pour transformer la réalité et se la réapproprier. Pour reprendre les termes de Alfredo Guerrero Tapia (2008), « On ne peut connaître ni transformer la réalité s’il n’y a pas de volonté de le faire ».

Pourquoi la volonté peut-elle s’avérer difficile à déployer ?

Comme nous l’avons dit précédemment, nous avons tous la capacité d’avoir de la volonté. Or, il arrive parfois qu’il nous soit difficile de la stimuler. Ceci s’explique, en partie, par le fait que l’activation de la volonté se fait en contre partie d’une double rupture. On rompt avec ses représentations préalablement établies dans son groupe de pairs (séparation d’avec la mère) et on rompt avec une identité pétrifiée. Or, comme nous le dit Geneviève Bourdellon (2004) « L’être humain doit accepter de perdre – marque de la loi de la castration – pour se retrouver et découvrir l’objet pleinement ». Ainsi, pour avancer et façonner sans cesse notre identité, nous devons passer systématiquement par des phases de deuils qui font écho au deuil originaire.  


Plus simplement, activer sa volonté c’est sortir de sa «zone de confort». Par exemple, lorsque vous vous mettez au jogging et que vous souhaitez progresser et vous surpasser, vous allez faire des séances dites «de fractionné» et des séances d’endurance de plus en plus longues. Nous sommes ainsi mis à dure épreuve et devons nous dépasser sur le plan physique mais aussi sur le plan psychique. Sur le plan psychique, c’est notre volonté qui est ainsi mise à l’épreuve. D’un point de vue neuro-anatomique, le corps réagit à l’effort physique et libère dans le cerveau des hormones de plaisir. Ces faits scientifiques mettent en lumière qu’il est inutile d’excuser son inactivité par des douleurs physiques. C’est notre psychisme, notre volonté qui contrôle notre activité. Pour bien déployer sa volonté, il faut se recentrer sur soi-même et se laisser projeter dans un avenir proche ou lointain.  



Bibliographie
Guerrero Tapia, A. Volonté d'être dans la construction des projets sociaux : Eléments constitutifs de l'identité subjective et sens. Connexions. N°89, pp121-130. 2008.

Bourdellon, G. Engagement dans le désir ou engouffrement dans la dépendance. Revue française de psychanalyse. N°68, pp441-457. 2004.

jeudi 22 août 2013

Le sport ! Un enjeu physique ET mental


Samedi à 18h, j’ai pris la décision de me (re)mettre au sport. Samedi à 21h, après être tombé sur les vidéos de Kilian Jornet, j’ai envie de me (re)mettre à la course à pied. Après tout, moi aussi j’ai envie de courir comme si je volais dans les airs et parcourir de multiples paysages. Dimanche, premier essai ! Je pars courir une quarantaine de minutes. Au bout de 30mn, je m’arrête. Je suis à bout de souffle, je ne sens plus mes jambes. Ce n’est pas grave, mardi je tiendrais plus longtemps. Mardi, deuxième essai ! Je pars courir une trentaine de minutes. Au bout de 20min, je m’arrête. Je suis à bout. Ou du moins c’est l’impression que je me donne. Pourquoi je n’arrive pas à tenir plus longtemps ?

Deux semaines plus tard, après un réaménagement de mon calendrier pour me permettre d’aller courir un jour sur deux, un changement radical de mes habitudes alimentaires, un intérêt profond pour les programmes de courses personnalisés afin de progresser au mieux, j’ai vu mon estime de moi et ma volonté à réussir ce que j’entreprends grimper en flèche. Depuis, ca fait déjà trois mois que je cours et j’envisage de m’inscrire à mon premier marathon.

La course à pied, ou plus globalement le sport, ne se résume pas seulement à un entrainement physique intense mais aussi et surtout, il doit être accompagné d’un entrainement psychique ou plus communément appelé entrainement mental. L’entrainement mental va permettre à l’athlète de développer ses ressources pour faire face et s’adapter aux contraintes de la pratique sportive de haut niveau suivant une logique éducative et préventive. L’entrainement mental va ainsi permettre à l’athlète de développer des qualités psychologiques de base.

Selon des recherches de Vealey, 1988 ; Hardy, Jones, Gould, 1996 ; (In : Le Scnaff, C., 2005), la relaxation, la gestion des objectifs, l’imagerie et le dialogue interne semblent être les quatre qualités psychologiques de base que doit développer un athlète.

La relaxation va permettre de gérer les angoisses dominantes quant à la pratique sportive (compétition, parcours inconnu, etc). La littérature parle d’un « état idéal de performance » renvoyant à la corrélation entre savoir dépasser ses angoisses,  être relâché pendant la performance et réussir cette performance. Le sport amène le bien être et le bien être amène le sport. Quand le sport devient plaisir, l’athlète devient performant. Néanmoins, faire du sport c’est faire face à ses limites. C’est pourquoi, l’athlète doit posséder la qualité lui permettant de gérer ses objectifs. Cette qualité est importante car se heurter trop rapidement à des difficultés qu’on ne peut surpasser à la  vue de ses capacités physiques du moment, c’est risquer un épuisement à la fois physique mais aussi psychique. Concernant l’imagerie, il semblerait qu’il s’agisse du processus le plus utilisé par les sportifs lors de leur préparation mentale. Dans leur étude, Orlick et Partington, 1988 (In : Le Scnaff, C., 2005) rapportent que 99% des athlètes interrogés déclarent utiliser l’imagerie et la grande majorité d’entre eux estiment que ce processus a des effets bénéfiques sur leur performance. L’imagerie est définie scientifiquement comme « une pratique cognitive qui consiste à évoquer les caractéristiques d’un objet, évènement ou processus absent de notre champ perceptif actuel, cet objet, évènement ou processus appartenant au passé, au présent ou au futur » (in : Le Scnaff, C., 2005). L’imagerie permettrait entre autre la régulation de l’attention, la planification de stratégies et la valorisation de l’estime de soi. Enfin, plusieurs recherches tendent à penser que le dialogue interne et le contenu de la pensée sont des prédicateurs importants de la réussite sportive (In : Le Scnaff, C., 2005). En reprenant la définition sur le dialogue interne de Kackfort et Schwenkmezger, 1993 (In : Le Scnaff, C., 2005), nous comprendrons mieux en quoi il peut aider l’athlète. « Dans un dialogue interne, l’individu interprète ses sentiments et ses perceptions, régule et modifie ses convictions et ses évaluations, et se donne à lui-même des instructions et des renforcements » (Kackfort et Schwenkmezger, 1993).

Devenir sportif est un véritable travail sur soi. S’y consacrer c’est consacrer du temps à soi et à son bien être.
Afin de terminer cet article en vous donnant peut être envie de vous y mettre aussi, je vous invite à regarder cette vidéo mettant en image Sebastien Chaigneau, un athlète professionnel français spécialiste de l’ultra-trail et de la course à pied en montagne.



Référence :


Le Scnaff, C. Les bases de l’entrainement mental. Bulletin de psychologie, 2005, N°475, pp101-105. 

mardi 19 février 2013

Le dessin : Le miroir de l'enfant


Le dessin est un médiateur souvent utilisé en clinique infantile. Pourquoi est-il si utile ? 



On peut retrouver chez l’enfant une difficulté de verbalisation de ses affects, de ses émotions ou ressentis. Ainsi, le dessin va lui permettre de représenter les relations aux objets du monde et surtout de son monde. Le dessin est un mode d’expression plus libre et plus personnel contrairement à la parole qui ‘’subit’’ le mécanisme d’intentionnalité dicté par notre mémoire sémantique. En psychothérapie il peut donc être demandé à l’enfant de réaliser un dessin, celui qu’il veut sans thème imposé. Il s’agira d’un dessin libre. Ce dessin permettra d’appréhender dans un premier temps le niveau de développement de l’enfant et de repérer les éventuels signes pathologiques qui pourront être manifestés par le dessin. Le dessin est donc bien un outil diagnostic pour le professionnel dans l’appréhension d’un équilibre mental. 
Dans la lecture analytique du dessin, le professionnel va apprécier tout un ensemble de caractéristiques qui composent le dessin. Par exemple, il va déjà apprécier le sens d’utilisation de la feuille qui, selon le thème choisi par l’enfant, requière un sens particulier. Ainsi il pourra déjà évaluer sa capacité d’adaptation. L’utilisation de la surface de la feuille est également importante ainsi que le choix du thème représenté (celui-ci représente souvent le monde de l’enfant), les formes utilisées, les mouvements (actif ou passif ?) représentés et les couleurs utilisées (réalisme des couleurs, couleurs chaudes qui soulignent une extraversion et une impulsivité ou des couleurs froides qui soulignent un calme et un retrait. Le coloriage de la surface souligne une capacité à contrôler ses pulsions).

Le dessin semble donc être un médiateur thérapeutique de grande importance. Il est adapté à l’enfant mais on le retrouve également adapté pour la thérapie adulte notamment par les pratiques appelées « Art thérapie ». Il permet de représenter ses affects avec plus de liberté dans son expression symptomatique. 


mardi 4 décembre 2012

Suis-je fou de me sentir dépressif ?


« Aujourd’hui, je n’ai plus envie de rien. Je suis fatiguée. » Ou encore « Je ne comprends pas, j’ai tout pour être heureuse et pourtant je ne le suis pas. ». Voilà un discours que l’on a tous plus ou moins déjà entretenu avec notre inconscient. Sommes-nous ainsi tous dépressifs ?

La dépression, selon Bergeret correspondrait à une décompensation d’une structure de personnalité faisant suite à une situation traumatique de perte.

Qu’on le veuille ou non, cette étape de « dépression » fait partie de notre développement normal en tant que personne ayant des désirs. De plus, si on reprend la conception de Bergeret on peut adapter le deuil comme un élément déclencheur d’une dépression. Or, le deuil semble être un processus collectif. En effet, si l’on prend la situation concernant la naissance, tout un chacun nous passons par cette étape de deuil, par la perte d’un objet qui est symbolisée par la castration ombilicale. Cette perte crée alors un désir car, pour qu’il y ait désir, selon Lacan, il faut qu’il y ait perte.

On pourrait ainsi conclure que la dépression semble être une étape par laquelle chaque individu passe tout au long de son développement. Celle-ci va permettre une remise en question de ses désirs. La dépression n’est pas, selon des auteurs tels que Fedida ou encore E. Gut, nécessairement une pathologie dont l’issue serait négative. La dépression aurait une fonction positive, celle de redonner du sens à la vie.

Par ailleurs, une consultation psychanalytique ne doit pas être considérée comme optionnelle. Elle pourra permettre de retrouver à travers le discours de l’analysant, le signifiant source, autrement dit, l’origine de la demande et donc de la souffrance. Survivre à un traumatisme ne veut pas dire l’effacer de sa mémoire mais y faire face et le dépasser. Dans un traitement tel que contre la dépression voilà pourquoi je condamnerais un travail uniquement basé sur les thérapies cognitivo- comportementales qui se réduirait à modifier, par apprentissage, un comportement qui est source de souffrance. 

Sources :
ROBIN, D. (2005). La dépression est la vérité inversée du désir. Cahiers de psychologie clinique. Vol 24 (pp63-82).
DAYAN, J. (2011). Dépressivité et dépression à l'adolescence. Adolescence. Vol 78 (pp737-745).
FEDIDA, P. (2001). Des bienfaits de la dépression : Eloges de la psychotéhrapie. Paris : Dunod
GUT, E. (1989). Dépression productive et improductive : Reussite ou échec d'un processus vital. Paris : Puf

mardi 20 novembre 2012

Naître pour vieillir et renaître par le vieillissement ! Un paradoxe difficilement élaborable.

Photo issue d'une campagne pour Novartis (Entreprise qui fabrique des médicaments destinés à préserver  la santé et le bien être)

Vieillir, voilà un mot dont on se passerai bien. 

Quand bien même nous savons tous ce que veux dire le mot « vieillir », il est difficile de se « sentir vieillir » ainsi que de se "voir vieillir". L’accès à ce vieillissement va se faire par un ensemble de « crises » identitaires et sexuées. La notion de crise pour Schaeffer fait référence à un « débordement du moi », c'est-à-dire, que l’individu ne peut plus contenir l’excitation qui l’envahit. Ses moyens défensifs sont dépassés et le seul moyen de l’emporter sur cette crise est de permettre une réorganisation des ses assises narcissiques, c'est-à-dire de l’investissement que l'on a de nous-même. Passer par cette étape de « crise » apparait pour Schaeffer comme fondamentale. Ainsi, ne vous vous inquiétez pas si vous en rencontrez une. En effet, cette crise serait, selon elle, une « chance » car elle permettrait « une mise à l’épreuve des capacités de séparation et de deuil ». Si vous arrivez à surmonter cette crise, c’est donc que vous possédez un appareil psychique suffisamment flexible pour être capable d’affronter ces épreuves. 

Quand on parle de crise du milieu de vie, on fait référence à des conflits intrapsychiques sur le versant sexuel et mortel. Cette crise va s’exprimer dans le réel par la ménopause chez les femmes. En effet, sous le couvert de celle-ci, il va y avoir un remaniement des questionnements sur la sexualité et le désir de sexualité, mais aussi, une prise de conscience de l’effondrement de la croyance en l’immortalité par « la mort des capacités procréatrices » (Schaeffer). Seulement, comme le souligne Schaeffer, faire le deuil de sa fonction maternelle ne veut pas dire faire le deuil de sa féminité. Bien au contraire, il faut assumer sa nouvelle féminité sans quoi, le risque de dépression n’est jamais loin.

Le départ ou la perte des enfants ou du mari peut devenir, en soi, un facteur prédisposant à cette dépression  « post-ménopausienne ».  On appelle cela le « syndrome du nid vide » à la suite duquel un grand nombre de femmes vont retrouver une vie sexuelle érotique avec un homme d’environ quinze ans leur cadet. On parle alors ici du « complexe de Jocaste » dont la notion a été développée par Marie-Christine Laznik (2003). Pour Jean Bergeret, ce complexe surviendrait comme une deuxième crise de l’adolescence. Ce que recherche la femme, c’est le désir que l’Autre peut lui porter à travers notamment son regard. Le regard pour la femme est synonyme de désir. Je pourrais, pour vous expliquer cela, me référer au stade du miroir de Lacan et de Winnicott mais l’exemple le plus simple qui me vient à l’esprit est celui de « Blanche neige », où la méchante sorcière ne vit qu’à travers l’image que lui renvoie son miroir et qui lui permet de vivre confortablement ses pulsions grâce à des assises narcissiques suffisamment, même abondamment satisfaites. Et ceci, jusqu’au jour où le miroir fait référence à une autre personne qu’elle (Blanche Neige), encore plus belle qu’elle et surtout encore plus jeune qu'elle. A ce moment, son estime d’elle-même s’effondre. Ses pulsions ne sont plus contenues et elle tombe dans une dépression. Le seul moyen pour elle d’y faire face est le passage à l’acte, dont le but est l’anéantissement de cette menace extérieure qui est Blanche Neige. Bien sûr, il ne s’agira pas ici d’  « éliminer » ce qui fait obstacle dans ce remaniement identitaire "post-ménopausien" mais bien réinvestir une position féminine et de se créer une "nouvelle" identité avec l'élaboration de nouveaux projets de vie. 

Par cet article, j’espère vous avoir redonné confiance en vous dans votre  « parcours du vieillissement », qui comme tout stade du développement comporte des hauts et des bas. Des questionnements sexuels et morbides y ont tous leurs intérêts et leurs spécificités. Etant donné que la ménopause fait irruption, sur le plan du réel conscient (puisque inconsciemment ce processus s’établit sur la durée), presque brutalement dans la vie et va opérer un changement physiologique et psychique, il est tout à fait normal de présenter des symptômes comme une « baisse de moral » sans pour autant tomber dans une dépression chronique.

J’ajouterais rapidement l’intérêt du travail d’Anastasia Blanché sur le rapprochement entre le passage à la retraite et les remaniements identitaires qui vont s’effectuer. Car en effet, il est  particulièrement intéressant de voir comment le Moi va faire face à ce narcissisme qui tend à être délabré par la société qui prône une jeunesse et qui dévalorise « les vieux » puisqu’ils  « n’apportent rien à la société et coûtent cher ». Si vous êtes aussi curieux que moi, je vous laisse les références de l’article d’Anastasia Blanché pour comprendre les mécanismes dont vous et moi n’avons pas conscience et qui peuvent ou non « sauver notre peau ».

Sources : 
Blanché, A. (2007). Ruptures-Passages : Approches psychanalytiques du vieillissement. Gérontologie et société. Vol 121. (pp 11 – 30).
Schaeffer, J. (2005). Quel retour d’âge ? Début de la fin ou fin du début ?. Revue française de psychanalyse. Vol 69. (pp 1013 – 1030).