A l’heure
où le débat sur l’adoption par des couples homosexuels fait rage, je pense que
c’est le bon moment pour vous présenter en quelques lignes les mécanismes
psychiques qui sont à l’œuvre au cours d’une grossesse chez les devenants parents
et en particulier chez l’homme.
De
nombreuses études tendent à mettre en évidence les différences que l’on peut
observer quant aux processus psychiques qui se mettent en place chez le père et
chez la mère. Bien que pour l’un comme pour l’autre, souligne Missonier, « le temps de la grossesse est une phase
d’activation, de révision des fantasmes originaires », l’homme mettra
davantage de temps par rapport à la femme pour se sentir père. Ce temps de la
grossesse est vécu difficilement par le futur père, « Il s’agit d’une
période anxiogène et angoissante qui amène de profondes frustrations au
devenant père du fait de l’absence de repères sensoriels, de repères intero et
proprioperceptifs » (Boulet, 1997). Souvent rapportent-ils, ils ont « hâte »
que l’enfant naisse pour enfin trouver leur place et leur utilité dans cette
triade. Durant ce temps de la grossesse, l’homme va accompagner la future mère
ce qui va susciter en lui une identification à la fonction maternelle. On peut
retrouver chez l’homme des désirs inconscients de grossesse. Selon Bécache, « le
désir d’enfanter est un désir primitif ». Boulet relance : « ce
désir de maternité s’accompagne souvent d’une féminisation psychique et
comportementale du futur père ». Mais attention, il est très important que
l’enfant ait face à lui deux figures parentales différentes car il va s’identifier
sur les deux pôles.
Devenir
parent, c’est aussi passer l’étape de ce que Cramer et Palacio-Espasa nomme le deuil
développemental qui désigne deux nécessitées psychiques :
Premièrement, renoncer au statut d’enfant et deuxièmement, mobiliser les
identifications à ses propres parents. En effet, durant la grossesse, l’homme
va vivre un retour psychoaffectif vers le monde de son enfance. De plus,
symboliser l’abandon du statut d’enfant nécessite d’occuper une place nouvelle,
intermédiaire dans la chaine des générations. La naissance du premier enfant
conduit au renoncement du fantasme d’immortalité et à celui de l’éternelle
jeunesse. Morin (1998) met en évidence le désir de filiation biologique dans le
désir de paternité. Il me semble également important de vous citer les deux
mécanismes à l’œuvre dans l’identification à la fonction parentale qu’ont
établi Cramer et Palacio-Espasa : 1) le jeune parent s’identifie à l’image
des parents dont il se sent aimé. 2) le jeune parent va projeter sur l’enfant
la représentation de l’enfant qu’il a eu le sentiment d’être pour ses propres
parents.
Devenir
père ou devenir parent, voilà un projet qui relève d’un parcours du combattant
pour notre psychisme. Mais quand on sait ce qu’il y a à l’arrivée, on ne peut
que relever le défi.
Merci
à Mlle Dollander, professeur de psychologie à l’université de Lorraine pour son
cours sur la construction psychique de la paternité dont je me suis largement inspirée.
Pour
aller plus loin à Références
bibliographiques :
Boulet, F.-X. (1997). Un père attend un enfant, Spirale,
6 : 87-92.
Missonnier,
S. (2008). Dépressivité
et dépression paternelle périnatales,
Carnet Psy, 129 : 44-49.
Missonier, S. (2009). Devenir parent, naître humain, Paris, P.U.F.
Teboul, R. (1994). Neuf mois pour être père,
Paris, Calmann-Lévy.