Dis moi papa, pourquoi je ne dors pas ?
Alors que pendant longtemps,
seules les mamans étaient montrées du doigt dans l’explication de causes
psychosomatiques chez l’enfant, il semblerait que les papas aient eux aussi
leur part de responsabilité. Une étude réalisée par Eric Hazotte en 2006 (Groupe
de Recherche en Psychologie de la Santé – GREPSA à l’Université de Nancy 2) a
ainsi mis en évidence le rôle du père dans la transmission intergénérationnelle :
« le père est, directement ou par le biais de la mère, et à toutes les
étapes du développement de l’enfant, toujours un élément essentiel du mécanisme
de la transmission psychique inconsciente ». Ainsi, un père présentant un
trouble anxieux ou dépressif est un père qui va silencieusement s’éloigner, qui
va mettre de la distance à la fois dans la relation à l’enfant mais aussi dans
la relation de couple. Il devient alors inhibé dans ses relations. Or, le père
joue un rôle essentiel de pare-excitation, c’est-à-dire qu’il a un rôle
essentiel de soutien et de sécurité à l’enfant et à la mère. Le père, par cette
fonction rassurante, va permettre à l’enfant de se détacher de sa mère pour
aller explorer le monde environnant et investir de nouveaux objets. Or, « la
qualité du sommeil de l’enfant, étant précocement en lien avec ses expériences
de la vie diurne, nous supposons que les pères anxieux ne favorisant pas l’exploration
confiante du monde, peuvent influencer la survenue de troubles du sommeil chez
leur enfant ». De plus, « lorsque
le soutien du père n’existe pas ou lorsqu’il est défaillant, les angoisses s’immiscent
dans toutes les interactions de la triade et par conséquent dans celles de la
dyade mère/enfants » (Eric Hazotte).
Quelle origine ? Ayant déjà exploré cette question de
la paternité dans un article intitulé « La paternité, une montagne russe pour
notre psychisme », je ferai ici un bref rappel. L’annonce de la grossesse
nécessite déjà un premier travail psychique d’élaboration de la paternité.
Celle-ci peut être plus ou moins douloureuse ou angoissante car elle fait
resurgir des souvenirs de l’enfance et de ses liens avec ses propres parents. Elle
amène aussi à réfléchir sur sa propre existence, et elle vient modifier sa
place dans la chaine généalogique. L’arrivée de l’enfant dans le couple vient
aussi bouleverser un quotidien. Il y a du changement.
Quelle
solution ? « La qualité
de la fonction de pare-excitation paternelle vis-à-vis de la dyade mère/enfant
est sensible à la qualité des rapports conjugaux » (Eric Hazotte). En d’autres
mots, il ne faut pas négliger la
communication dans le couple. Il faut savoir partager, échanger sur ses
émotions pour donner du sens à ses
angoisses. Il faut les verbaliser
pour pouvoir les élaborer. De plus,
l’anxiété manifeste que présente un père n’est qu’un symptôme d’un trouble
enkysté dans le psychisme humain. Il s’agira donc de venir interroger ce
trouble afin de pouvoir l’élaborer pour avancer sereinement.
Source : Hazotte, E. Transmission de l'angoisse des pères et défaillance de leur fonction de pare-excitation dans un contexte de troubles chez des enfants en période de latence. Bulletin de psychologie. N°483, pp 311-322, 2006.