mercredi 17 décembre 2014

L'hyperphagie : Qu'est ce que c'est et comment la prévenir !

Les études sur les comportements alimentaires, notamment sur l’hyperphagie ne cessent de se multiplier et on comprend bien pourquoi lorsque l’on sait que 35% des adultes dans le monde sont atteints d’obésité (Chiffre OMS 2012) et qu’une étude de J.D Guelfi et M. Koening (1982) estime à 20% le nombre d’obèses hyperphages. L’hyperphagie correspond à une attitude de surconsommation alimentaire non motivée par la faim au plan métabolique (Dumer, N., 2006). Une conséquence majeure de ce symptôme est l’obésité.

Comme tous symptômes, pour le traiter au mieux, il faut tout d’abord en trouver la cause, son origine. Dans un premier temps, on observe que l’obésité se constitue précocement dans plus de la moitié des cas au cours de la petite enfance, avant deux ans ; dans les autres cas, elle apparait préférentiellement soit vers 6-7 ans, soit à la période pré-pubertaire. De nombreuses études s’accordent sur une étiologie multifactorielle de l’hyperphagie. Mais, tous s’accordent à dire que, au-delà des caractéristiques héréditaires, les conduites alimentaires ont éminemment à voir avec le fonctionnement psychique de l’individu, avec son histoire, ses relations affectives présentes comme passées. Selon certaines élaborations théoriques psychodynamiques, l’hyperphagie est à considérer aujourd’hui comme résultant de problématiques narcissiques au même titre que les addictions. « L’obésité en tant que défense narcissique permettrait de lutter contre des angoisses archaïques (pré-génitales) massives. La bouche pleine pourrait venir faire écran, par exemple, à l’expression d’un vide intérieur et de colère» (Gueniche, K. et al., 2008).

Dans le cas de l’obésité chez l’enfant, les auteurs distinguent deux situations associées à une expérience alimentaire conflictuelle que le nourrisson partage avec sa mère ou son substitut : (Gueniche, K. et al., 2008)
-          -   « Soit, la relation se tisse entre un bébé dont le petit appétit génère de la frustration et exacerbe l’ambivalence d’une mère anxieuse et en état d’insécurité quant à ses capacités maternelles. La conséquence de cette situation est un gavage de l’enfant comme réponse à toute manifestation affective et émotionnelle de l’enfant. Or, ceci viendrait perturber l’enfant dans la reconnaissance de ses éprouvés internes et le conduit à répondre, plus tard, à toute tension et état d’insatisfaction par une prise alimentaire.
-          -  Soit, la voracité du nourrisson augmente l’angoisse, l’ambivalence et l’inquiétude d’une mère inhibée qui y répond par une modalité relationnelle marquée par la maitrise et le contrôle » (Gueniche, K. et al., 2008).

De plus, l’anxiété maternelle, au même titre que l’anxiété paternelle, souvent repérée chez les petits obèses, peut empêcher l’enfant dans ses initiatives motrices et ses déplacements (sentiment d’insécurité).

Au vue de toutes ces données scientifiques concernant l’étiologie de l’hyperphagie, quels comportements peut-on mettre en place pour prévenir l’apparition du symptôme hyperphagique ?

Le premier comportement préventif se fait dans la relation mère/enfant à travers notamment l’expérience alimentaire. Winnicott (1969) insiste sur le rôle déterminant de la mère dans le bon développement de l’enfant ; il écrit : « C’est la mère qui établit la santé mentale de l’enfant pendant qu’elle se préoccupe des soins à donner à son nourrisson ».  Il est important de ne pas répondre systématiquement et de façon immédiate, à toutes réactions émotionnelles ou affectives de votre bébé, par un gavage alimentaire. L’expérience de la frustration est un élément important pour le bon développement d’un petit être humain. Elle va permettre de développer des stratégies alternatives (développement de l’imaginaire et de ses capacités d’illusion) pour atténuer cet état de frustration. L’enfant en bonne santé mentale, aura ainsi les capacités à halluciner l’expérience alimentaire (ou même simplement la présence de la mère), lorsqu’il commence à avoir faim et ainsi dormir encore un peu jusqu’à ce qu’elle déborde des capacités qu’à l’enfant de la nier (vrai besoin alimentaire). Le petit homme prend le contrôle de son corps et de son imaginaire. Il devient ainsi déjà actif dans ses comportements (alimentaire notamment).

Dans un second temps, il s’agit de développer un cadre sécurisant autour de l’enfant afin qu’il puisse découvrir le monde et développer ses capacités motrices. N’oubliez pas que vos angoisses, inquiétudes, ne passent pas inaperçues chez votre enfant. Si il sent que vous vous inquiétez lorsqu’il vous dit qu’il va faire du vélo dehors, non seulement il sent une situation dangereuse se profiler dont il ne sera pas maître, mais en plus, par identification au désir maternel, il s’inhiberait lui-même en pensant que c’est ce que vous attendez de lui. C’est ici que le rôle du père est fondamental car par la rupture d’une relation fusionnelle d’avec la mère qu’il va permettre, l’enfant va découvrir d’autres sources de désirs, bien au-delà des désirs de la mère. Il va se forger ses propres désirs.

Bibliographie :
DUMET, N. J’engloutis, je vis, je suis : De l’hyperphagie à la subjectivation. Cahiers de psychologie clinique. N°26, pp69-83, 2006.
GUENICHE, K. et al. A propos du fonctionnement psychique de jeunes filles obèses depuis l’enfance. Psychologie clinique et projective. N°14, pp155-187, 2008.

WINNICOTT, D.W. De la pédiatrie à la psychanalyse. Edt Payot : Paris, 1969.


Dessin humoristique "Le Chat" de Philippe Geluck

lundi 6 octobre 2014

Dis moi papa, pourquoi je ne dors pas ?

Dis moi papa, pourquoi je ne dors pas ?

Alors que pendant longtemps, seules les mamans étaient montrées du doigt dans l’explication de causes psychosomatiques chez l’enfant, il semblerait que les papas aient eux aussi leur part de responsabilité. Une étude réalisée par Eric Hazotte en 2006 (Groupe de Recherche en Psychologie de la Santé – GREPSA à l’Université de Nancy 2) a ainsi mis en évidence le rôle du père dans la transmission intergénérationnelle : « le père est, directement ou par le biais de la mère, et à toutes les étapes du développement de l’enfant, toujours un élément essentiel du mécanisme de la transmission psychique inconsciente ». Ainsi, un père présentant un trouble anxieux ou dépressif est un père qui va silencieusement s’éloigner, qui va mettre de la distance à la fois dans la relation à l’enfant mais aussi dans la relation de couple. Il devient alors inhibé dans ses relations. Or, le père joue un rôle essentiel de pare-excitation, c’est-à-dire qu’il a un rôle essentiel de soutien et de sécurité à l’enfant et à la mère. Le père, par cette fonction rassurante, va permettre à l’enfant de se détacher de sa mère pour aller explorer le monde environnant et investir de nouveaux objets. Or, « la qualité du sommeil de l’enfant, étant précocement en lien avec ses expériences de la vie diurne, nous supposons que les pères anxieux ne favorisant pas l’exploration confiante du monde, peuvent influencer la survenue de troubles du sommeil chez leur enfant ».  De plus, « lorsque le soutien du père n’existe pas ou lorsqu’il est défaillant, les angoisses s’immiscent dans toutes les interactions de la triade et par conséquent dans celles de la dyade mère/enfants » (Eric Hazotte).

Quelle origine ? Ayant déjà exploré cette question de la paternité dans un article intitulé « La paternité, une montagne russe pour notre psychisme », je ferai ici un bref rappel. L’annonce de la grossesse nécessite déjà un premier travail psychique d’élaboration de la paternité. Celle-ci peut être plus ou moins douloureuse ou angoissante car elle fait resurgir des souvenirs de l’enfance et de ses liens avec ses propres parents. Elle amène aussi à réfléchir sur sa propre existence, et elle vient modifier sa place dans la chaine généalogique. L’arrivée de l’enfant dans le couple vient aussi bouleverser un quotidien. Il y a du changement.


Quelle solution ? « La qualité de la fonction de pare-excitation paternelle vis-à-vis de la dyade mère/enfant est sensible à la qualité des rapports conjugaux » (Eric Hazotte). En d’autres mots, il ne faut pas négliger la communication dans le couple. Il faut savoir partager, échanger sur ses émotions pour donner du sens à ses angoisses. Il faut les verbaliser pour pouvoir les élaborer. De plus, l’anxiété manifeste que présente un père n’est qu’un symptôme d’un trouble enkysté dans le psychisme humain. Il s’agira donc de venir interroger ce trouble afin de pouvoir l’élaborer pour avancer sereinement.



Source : Hazotte, E. Transmission de l'angoisse des pères et défaillance de leur fonction de pare-excitation dans un contexte de troubles chez des enfants en période de latence. Bulletin de psychologie. N°483, pp 311-322, 2006.

vendredi 26 septembre 2014

Yes you can !

« Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier » William Shakespeare

Le terme de « volonté » signifie bien des choses. Le Larousse définit la volonté comme « la faculté de déterminer librement ses actes en fonction de motifs rationnels ; pouvoir faire ou ne pas faire quelque chose ». Dans sa définition, le Larousse va plus loin en considérant la volonté comme « une disposition de caractère qui porte à prendre des décisions avec fermeté et à les conduire à leur terme sans faiblesse, en surmontant tous les obstacles ». La volonté est-elle alors ce que le Larousse nomme « une disposition de caractère » ? Si l’on s’en tient à cela, cela voudrait signifier que la volonté n’est pas le propre de chacun. Or, les études scientifiques nous permettent d’affirmer qu’à la naissance nous sommes tous égaux. Nous naissons tous, comme le précisait Freud, avec un noyau pervers, un noyau de folie, etc. Nous naissons tous également avec un noyau de volonté. La volonté c’est ce qui va nous permettre de se détacher de la relation de dépendance que nous entretenons avec notre mère pour pouvoir ensuite investir de nouveaux objets et se différencier. Nous acquerrons une identité qui nous est propre par cette capacité de volonté. Alfredo Guerrero Tapia (2008) considérait la volonté d’être comme « la capacité du sujet à prendre conscience de lui-même et de sa place dans le monde ». La volonté va ainsi amener, tout d’abord l’enfant, à produire des actions pour transformer la réalité et se la réapproprier. Pour reprendre les termes de Alfredo Guerrero Tapia (2008), « On ne peut connaître ni transformer la réalité s’il n’y a pas de volonté de le faire ».

Pourquoi la volonté peut-elle s’avérer difficile à déployer ?

Comme nous l’avons dit précédemment, nous avons tous la capacité d’avoir de la volonté. Or, il arrive parfois qu’il nous soit difficile de la stimuler. Ceci s’explique, en partie, par le fait que l’activation de la volonté se fait en contre partie d’une double rupture. On rompt avec ses représentations préalablement établies dans son groupe de pairs (séparation d’avec la mère) et on rompt avec une identité pétrifiée. Or, comme nous le dit Geneviève Bourdellon (2004) « L’être humain doit accepter de perdre – marque de la loi de la castration – pour se retrouver et découvrir l’objet pleinement ». Ainsi, pour avancer et façonner sans cesse notre identité, nous devons passer systématiquement par des phases de deuils qui font écho au deuil originaire.  


Plus simplement, activer sa volonté c’est sortir de sa «zone de confort». Par exemple, lorsque vous vous mettez au jogging et que vous souhaitez progresser et vous surpasser, vous allez faire des séances dites «de fractionné» et des séances d’endurance de plus en plus longues. Nous sommes ainsi mis à dure épreuve et devons nous dépasser sur le plan physique mais aussi sur le plan psychique. Sur le plan psychique, c’est notre volonté qui est ainsi mise à l’épreuve. D’un point de vue neuro-anatomique, le corps réagit à l’effort physique et libère dans le cerveau des hormones de plaisir. Ces faits scientifiques mettent en lumière qu’il est inutile d’excuser son inactivité par des douleurs physiques. C’est notre psychisme, notre volonté qui contrôle notre activité. Pour bien déployer sa volonté, il faut se recentrer sur soi-même et se laisser projeter dans un avenir proche ou lointain.  



Bibliographie
Guerrero Tapia, A. Volonté d'être dans la construction des projets sociaux : Eléments constitutifs de l'identité subjective et sens. Connexions. N°89, pp121-130. 2008.

Bourdellon, G. Engagement dans le désir ou engouffrement dans la dépendance. Revue française de psychanalyse. N°68, pp441-457. 2004.