Je vais vous présenter ci-dessous une expérience que j'ai réalisé dans le cadre de mes études. Celle-ci s'intitule : L'effet Mozart
L’effet Mozart a suscité la curiosité de nombreux chercheurs en sciences cognitives. L’exposition à l’une de ses sonates à long et même à court terme améliorerait les capacités intellectuelles des individus.
Selon Frances RAUSCHER, dans un article publié en 1993, l’écoute de dix minutes de la sonate pour deux pianos en ré majeur de Mozart entrainerait une augmentation des performances intellectuelles dans des tâches de raisonnement spatial. La publication de cet article a amené de nombreux parents à faire écouter la musique de Mozart à leurs enfants.
Des études ont été effectuées sur des rats, et il semblerait que même au sein de cette population, cette musique ait une influence.
En effet, ils trouvaient plus facilement la nourriture dans un labyrinthe que les rats exposés à de la musique contemporaine.
De nombreuses recherches ont été effectuées sur les relations qui pourraient exister entre les musiques de Mozart et les attentions visuelles. La plupart des tests ont donc mis à l’épreuve l’impact des musiques de Mozart sur les résultats aux tests de QI. L’échelle de Stanfort-Binet est la plus éprouvée. Les sujets se voient réaliser des épreuves visuo-spatiales, permettant de tester les attentions visuelles des individus. Dans ces tests, une forme géométrique de base est présentée, à partir de laquelle on va effectuer des transformations, avant de demander au sujet de reconnaitre la forme initiale parmi celles proposées une fois la transformation effectuée.
Par exemple :
Ces expériences ont bien démontré qu’il existait une différence significative entre les résultats des sujets ayant écouté la sonate de Mozart, et les autres groupes (l’un n’ayant écouté aucune musique et l’autre groupe ayant écouté une musique contemporaine). En effet, les sujets exposés à la musique de Mozart ont des scores plus élevés que les 2 autres groupes. Et les sujets ayant été exposés à la musique contemporaine ont des scores plus élevés que ceux qui n’ont pas écouté de musique du tout.
Dans l’expérience proposée, l’exercice est modifié. En effet, ici ce ne sont pas les attentions visuelles qui sont évaluées, mais la mémoire de travail. Les sujets sont soumis à une épreuve de mémorisation concernant 20 mots aléatoires mais tous concrets, ayant une fonction particulière.
Hypothèse et problématique :
L’écoute musicale pendant un exercice de mémorisation améliorerait les capacités de rétention.
Pour vérifier cette hypothèse, un plan expérimental mettant en œuvre simultanément une musique écoutée et l’apprentissage d’une liste de mots concrets est établi. Pour bien mettre en évidence le fait que c’est la musique de Mozart qui améliorerait les capacités de mémorisation, il s’agit de mesurer les empans selon 3 conditions expérimentales, avec 3 musiques différentes.
Il est nécessaire, dans un premier temps, de comparer le travail de mémorisation pendant l’écoute de musique à un travail de mémorisation dans une condition de silence.
Dans un deuxième temps, la capacité à mémoriser la liste de mots sera testée pendant l’écoute d’une musique contemporaine appréciée du sujet.
Le fait de prendre en compte ces 3 conditions musicales vont nous permettre de voir si c’est effectivement la musique de Mozart qui améliore la mémorisation, ou si en réalité c’est simplement le fait d’écouter de la musique, ou le fait d’écouter une musique que l’on apprécie particulièrement.
Méthode :
Matériel :
- Casque audio
- Lecteur mp3
- Un ordinateur
- 20 mots ayant tous une fonction (mots concrets)
(chaussure, assiette, lampe, rideau, table, brosse à dent, verre, voiture, crayon, coussin, poupée, miroir, valise, télévision, canapé, réfrigérateur, poubelle, boîte aux lettres, lunette, chapeau)
- 3 conditions musicales : - musique classique – Mozart
- musique contemporaine
- sans musique
La consigne :
Pour la demande de participation : "dans le cadre de mes études de psychologie je dois réaliser une recherche, accepteriez vous de participer à celle-ci ? »
Explication de l’expérience au sujet : « Il s’agit d’un exercice de mémorisation. Je vais d’abord vous faire écouter une musique, ensuite je vais vous présenter sur cet écran des mots, qui vont défiler toutes les 3 secondes. Il y a 20 mots au total. Votre objectif est d’essayer d’en mémoriser le plus possible »
Les sujets :
Les sujets sont choisis au hasard. La variable « âge » n’est ainsi pas prise en compte, les sujets se situant dans une tranche d’âge de 18 à 50 ans. La mesure de la mémorisation sous la 2ème condition musicale (musique contemporaine) est faite avec une musique appréciée du sujet, qu’il aura lui-même indiqué.
Déroulement de l’expérience :
Les sujets passent chacun leur tour. Les sujets ne connaissent pas l’objet de l’expérience. L’examinateur est placé en face d’eux et la consigne leur est expliquée.
Ensuite, l’une des 3 conditions de test est mise à l’œuvre pour un sujet.
Les conditions impliquant l’écoute de musique sont précédées d’une écoute de 2 minutes avant la lecture du premier mot.
Ensuite, sur un PowerPoint, 20 mots sont présentés un à un, chacun pendant une durée de 3 secondes. Le sujet écoute toujours la musique, le cas échéant.
Une fois la liste de mots entièrement déroulée, les sujets patientent une dizaine de secondes, avant d’être sollicités pour réciter les mots qu’ils ont retenus.
Les résultats sont retranscrits sous forme de tableau.
Un sujet testé sans écoute de musique commence directement le test
Résultats :
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graphique 1 : moyenne de rétention en fonction de la musique écoutée ou non
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Discussion :
D’après les résultats du tableau, on observe que la rétention de la mémoire est plus élevée sous la condition expérimentale « musique contemporaine ».
L’ordre observé qui va de la meilleure à la moins bonne rétention selon les conditions expérimentales est le suivant ; « musique contemporaine » suivi de « la sonate de Mozart » et enfin « sans musique ».
On remarque que, la moyenne de rétention pour la sonate de Mozart est presque égale à celle de la condition « sans musique », alors que, la moyenne de rétention pour la musique contemporaine se démarque bien des autres.
Avec une moyenne de 11.30 mots et une majorité supérieure à 11 mots (voir tableau en annexe), l’écoute d’une musique contemporaine appréciée du sujet semble être impliquée dans le processus de mémorisation. Cette musique étant appréciée du sujet, on suppose qu’elle transporte le sujet dans un état de relaxation lui permettant ainsi d’avoir de meilleures conditions pour la mémorisation. En effet, la musique a la capacité de réduire les concentrations sanguines du stress et elle fait disparaitre les tensions accumulées. La musique agirait comme un neurostimulateur.
Alors que, avec une moyenne de 9.60 mots et une majorité supérieure à 9 mots (voir tableau en annexe), l’écoute d’une sonate de Mozart pendant la mémorisation ne semble pas améliorer ici la mémorisation, les résultats étant pratiquement égaux à ceux de la condition « sans musique » (moyenne de 9.40mots).
On suppose que l’écoute de la sonate de Mozart a en quelque sorte surpris et perturbé le sujet ne s’attendant pas à écouter ce style de musique. La concentration sur la musique l’emportant sur celle des mots affichés sur l’écran expliquerait cette moyenne de rétention.
Les résultats de la condition expérimentale « sans musique » sont majoritairement inférieurs à 9 mots. Ces scores plutôt faibles peuvent être interprétés du fait que ces sujets n’ont pas été préparé préalablement, étant directement confrontés à la mémorisation.
De ce fait, on peut supposer que cette précipitation ait pu quelque peu les effrayer et les bloquer. Le fait que la seconde précédant la présentation de la liste on leur dise « l’objectif est d’en mémoriser le plus possible » sans ensuite avoir pris le temps de se préparer psychologiquement, le sujet est en quelque sorte pris sur le vif et ceci expliquerait ces résultats médiocres.
Mais, cependant quelques exceptions sont observées ici. En effet, parmi ces résultats figurent un score de 15mots retenus qui est de plus, le meilleur score toutes conditions expérimentales confondus.
Ce score élevé peut être interprété de la manière suivante, l’expérience effectuée ici mesurait une seule condition expérimentale par personne. Or, tous les individus n’ont pas la même capacité de mémorisation. Certains mémorisent plus que d’autres. Ainsi, il serait judicieux de faire une expérience similaire mais cette fois-ci en mesurant la rétention selon les 3 conditions expérimentales, et ceci pour chaque personne.
De nombreux comportements lors de la passation ont pu également influencer certains résultats. En effet, certains sujets dévalorisaient leur capacité de mémorisation avant même de commencer l’expérience et perdaient ainsi confiance en eux. De plus, lors de la restitution des mots retenus, la majorité d’entre eux disaient ne plus se souvenir de mots après en avoir récité environ 6. Après insistance de ma part et en leur disant de prendre leur temps afin de mieux réfléchir, la minute suivante, ils me restituaient 3 à 5mots de plus.
Un autre comportement qui a suscité mon attention est le fait que les sujets qui passaient selon la condition expérimentale « musique contemporaine » avaient tendance à réciter à haute voix les mots qui défilaient sur l’écran, contrairement aux sujets avec l’expérience suivant les deux autres conditions expérimentales.
Conclusion :
A la vue de tous ces résultats, on peut admettre que l’hypothèse selon laquelle l’exposition à une sonate de Mozart pendant un exercice de mémorisation améliorerait les capacités de rétention de la mémoire, est invalidée.
Cependant, les résultats nous montrent que l’exposition à une musique contemporaine de préférence appréciée du sujet, améliore tout de même quelque peu les performances de mémorisation.
Une étude plus approfondie doit être réalisée si l’on veut mettre en évidence l’incidence que peut avoir la musique sur les capacités de mémorisation.
Références bibliographiques :
Bigand E, (2010), la musique rend-elle intelligent ?, L’essentiel de cerveau et psycho : le cerveau mélomane, vol 4, pp.38-42. Paris
Pietsching J, Voracek M, Formann A.K (2010), Mozart effect-shmozart effect- a meta-analysis, Intelligence, vol 38, pp.314-323. Faculty of psychology, Austria
Rauscher F, Hinton S (2006), the Mozart effect : music listening is not music instruction, educational psychologist, vol 41, pp233-238