mardi 30 octobre 2012

La paternité ou parentalité : une montagne russe pour notre psychisme


A l’heure où le débat sur l’adoption par des couples homosexuels fait rage, je pense que c’est le bon moment pour vous présenter en quelques lignes les mécanismes psychiques qui sont à l’œuvre au cours d’une grossesse chez les devenants parents et en particulier chez l’homme.

De nombreuses études tendent à mettre en évidence les différences que l’on peut observer quant aux processus psychiques qui se mettent en place chez le père et chez la mère. Bien que pour l’un comme pour l’autre, souligne Missonier,  « le temps de la grossesse est une phase d’activation, de révision des fantasmes originaires », l’homme mettra davantage de temps par rapport à la femme pour se sentir père. Ce temps de la grossesse est vécu difficilement par le futur père, « Il s’agit d’une période anxiogène et angoissante qui amène de profondes frustrations au devenant père du fait de l’absence de repères sensoriels, de repères intero et proprioperceptifs » (Boulet, 1997).  Souvent rapportent-ils, ils ont « hâte » que l’enfant naisse pour enfin trouver leur place et leur utilité dans cette triade. Durant ce temps de la grossesse, l’homme va accompagner la future mère ce qui va susciter en lui une identification à la fonction maternelle. On peut retrouver chez l’homme des désirs inconscients de grossesse. Selon Bécache, « le désir d’enfanter est un désir primitif ». Boulet relance : « ce désir de maternité s’accompagne souvent d’une féminisation psychique et comportementale du futur père ». Mais attention, il est très important que l’enfant ait face à lui deux figures parentales différentes car il va s’identifier sur les deux pôles.



Devenir parent, c’est aussi passer l’étape de ce que Cramer et Palacio-Espasa nomme le deuil développemental qui désigne deux nécessitées psychiques : Premièrement, renoncer au statut d’enfant et deuxièmement, mobiliser les identifications à ses propres parents. En effet, durant la grossesse, l’homme va vivre un retour psychoaffectif vers le monde de son enfance. De plus, symboliser l’abandon du statut d’enfant nécessite d’occuper une place nouvelle, intermédiaire dans la chaine des générations. La naissance du premier enfant conduit au renoncement du fantasme d’immortalité et à celui de l’éternelle jeunesse. Morin (1998) met en évidence le désir de filiation biologique dans le désir de paternité. Il me semble également important de vous citer les deux mécanismes à l’œuvre dans l’identification à la fonction parentale qu’ont établi Cramer et Palacio-Espasa : 1) le jeune parent s’identifie à l’image des parents dont il se sent aimé. 2) le jeune parent va projeter sur l’enfant la représentation de l’enfant qu’il a eu le sentiment d’être pour ses propres parents.

Devenir père ou devenir parent, voilà un projet qui relève d’un parcours du combattant pour notre psychisme. Mais quand on sait ce qu’il y a à l’arrivée, on ne peut que relever le défi.

Merci à Mlle Dollander, professeur de psychologie à l’université de Lorraine pour son cours sur la construction psychique de la paternité dont je me suis largement inspirée.

Pour aller plus loin à Références bibliographiques :
Boulet, F.-X. (1997). Un père attend un enfant, Spirale, 6 : 87-92.
Missonnier, S. (2008). Dépressivité et dépression paternelle périnatales, Carnet Psy, 129 : 44-49.
Missonier, S. (2009). Devenir parent, naître humain, Paris, P.U.F.
Teboul, R. (1994). Neuf mois pour être père, Paris, Calmann-Lévy.